Vendredi 4 mars 2022. Ce matin les journaux de la Presse Qutodienne Régionale (PQR pour les initiés) devaient publier « La lettre aux Français » par laquelle Emmanuel Macron avait décidé d’annoncer sa candidature à la prochaine élection Présidentielle. Abonné au quotidien « LE PROGRES » et ouvrant fébrilement ce quotidien pour me plonger dan la lettre écrite par ce président qui rêve de continuer à l’être, j’ai été très déçu car de lettre il n’y a pas,  seul un article de commentaires renvoyant, pour connaitre le contenu intégral de la lettre, au  site internet du journal.

En 1988, François Mitterrand avait annoncé sa candidature à un second septennat  par une lettre envoyée par la poste aux foyers des électrices et électeurs. Par la poste, pour toucher effectivement chacune et chacun. Cette lettre, souvenez-vous, était intitulée: « Lettre à tous les français ». Oui, tous! De fait nous ne pouvons que constater qu’Emmanuel Macron n’est pas soucieux que sa lettre parvienne à chaque électeur. Deux constats me permettent d’écrire cela: les lecteurs de la PQR sont de moins en moins nombreux et surtout, Internet est sélectif, et ceci beaucoup plus que ne l’imaginent les « geeks » qui entourent Macron et conçoivent les instruments de sa prochaine campagne (remarque qui concerne d’ailleurs les autres candidats!).

Sélectif pour diverses raisons: possession de matériel adéquat, maitrise de l’usage, lieux et temps disponible pour cela; je suis frappé par exemple comment des « amis » écrivent sur FB alors même qu’ils sont censés être au travail – ce qui me choque d’ailleurs –  liberté que ne peuvent prendre un salarié de l’hôpital, un ouvrier de la métallurgie, un éboueur, et tant d’autres!

En d’autres termes, les modalités choisies par Macron pour annoncer sa candidature expriment tout à la fois , et dans quel ordre je n’en sais rien, mépris et méconnaissance.

Mépris des classes dirigeantes pour « les petits », les « sans grades », les « gens de peu » pour reprendre le titre de ce magnifique ouvrage (paru en 1991) dans lequel Pierre Sansot porte un regard si juste sur les classes populaires. Ces dernières années ce mépris a été une constante de l’exercice du pouvoir par E.Macron, avec des phrases qui ont fait mal: « les gens qui ne sont rien ».. »il suffit de traverser la rue »..avec le refus d’augmenter le Smic et les prestations sociales, mépris envers des professions entières: celles des enseignants, des soignants, des juges..dont les conditions de travail se sont réellement dégradées ces 5 dernières années (ce qui traduit un profond mépris des Services Publics), mépris de la haute fonction publique aux compétences de laquelle a été préférée le recours fort dispendieux à des cabinets de conseil, par ailleurs étrangers, auxquels on a ouvert la porte de l’État et de ses données, mépris des jeunes, à qui l’on a rogné l’Aide Personnalisée au Logement, et refusé des moyens financiers leur permettant d’étudier en de bonnes conditions, mépris envers les plus fragiles et en particulier les personnes âgées dépendantes, mépris largement souligné par de nombreux auteurs, des « premiers de corvée », mépris des réfugiés et autres exilés dont nombre sont contraints de vivre à la rue..et j’en oublie.

Méconnaissance: ces classes dirigeantes, et Macron en est hélas un cas archétypal, connaissent mal voir ne connaissent pas si ce n’est et encore de façon livresque,  ce que vivent la majorité de  leurs concitoyens hormis ceux de leur classe sociale et ce d’autant plus que rien ne les a préparés à cette connaissance. Élevés dans l’entre soi de milieux aisés, fréquentant des établissements d’enseignement privés quasiment réservés à leur classe,  puis éventuellement  des « grandes écoles » dont aucune à ce jour n’est réellement démocratique, quelle connaissance concrète ont ils de la vie d’un ménage d’employés? De la vie concrète  d’un collège, d’un hôpital, d’un tribunal, de la vie au quotidien dans une petite ville éloignée des services, de la galère des transports en ile de France (ceux qui connaissement t le RER B me comprendront)? De la difficulté à se loger lorsque l’on est jeune? De la difficulté à vivre, tout simplement, avec moins de 2000 euros par mois pour un ménage? De la difficulté à joindre une administration,  un interlocuteur, dans un monde  où tout est devenu, numérique aidant, impersonnel et anonyme?

Le temps qu’il a fallu au pouvoir pour commencer à comprendre ce que révélait le mouvement des « gilets jaunes » est une triste illustration de cette méconnaissance profonde.

Mépris et méconnaissance. Quoi qu’en dise Emmanuel Macron sur l’air du déjà entendu « je ferai différemment » (plus sournoisement?), le prochain quinquennat risque fort d’être à nouveau dur aux petits , aux « gens de peu » mais aussi plus largement aux  classes moyennes qui feraient bien de se réveiller, de prendre conscience de ce qui se prépare, de sortir de leur vie autocentrée: orientation vers des systèmes de retraite privés, évolution des établissements d’enseignement vers un système libéral et concurrentiel et ce dès l’école primaire, diminution des impôts qui se traduira par une diminution de la capacité de l’État et des pouvoirs publics à assurer la solidarité..fracturation augmentée de notre société qui ne peut qu’être source de tensions et de violences multiples.

Parlant de Giscard d’Estaing, de Gaulle a eu cette phrase: « Son problème c’est le peuple ». Aujourd’hui pour Emmanuel Macron, pour ceux qu’il  représente, avec qui et pour qui il agit, le peuple  n’est même plus un problème, c’est un impensé.

 

 

 

 

 

 

 

Mépris, méconnaissance, ou les deux?

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