Le titre que j’ai choisi pour mon blog ne doit rien au hasard. Pour moi, le questionnement est au principe même de toute action, quel que soit son domaine: économique, social, politique, culturel. Il me revient un souvenir. Cela se passait à la fin des années 90. Nous étions quelques uns à débattre du rôle du Politique. Je me hasarde à dire que pour moi le rôle premier du Politique est d’abord de s’interroger, d’interroger ce qui l’entoure, de chercher à comprendre les situations, les enjeux, bref, de savoir poser les bonnes questions. Pas du tout me rétorque, sur de lui, un jeune militant frais émoulu de Sciences Po (Paris, s’il vous plait!). Il poursuit sur un ton qui excluait toute réplique: « le rôle du Politique est d’agir, de résoudre les problèmes ». On ne saurait exprimer plus forte lapalissade! Agir, certes. Mais comment, pour qui, avec quels objectifs? Michel Rocard avait cette formule: « Agir, mais agir juste! », en d’autres termes agir avec efficacité et justice.  Résoudre les problèmes..oh que oui..mais au fait, quels problèmes? Comment estime t’on que quelque chose, une situation,  constituent  des problèmes? Qui en décide, qui caractérise le ou les dit(s) problème(s)?

Ce jeune émoulu de Science Po eut une carrière brillante, occupant, selon les alternances politiques, postes de direction au sein de cabinets ministériels et au sein de grands groupes publics..Je suppose qu’il a du se poser des questions, et des questions difficiles, au vu des postes qu’il a occupés. Encore que…les échecs terribles de la gauche au pouvoir, ce qui par ailleurs lui vaut un profond rejet de la part des électeurs, ne seraient-ils pas dus à son incapacité  à questionner le réel, à interroger les processus qui conduisent ici au décrochage scolaire, là à la pauvreté, ailleurs au chômage, et partout à la désillusion? N’y aurait-il pas ici également un effet du changement de profils des responsables politiques, les technocrates issus des grandes écoles, les hauts fonctionnaires membres de grands corps de l’État occupant désormais non seulement des postes d’influence, mais aussi et de plus en plus des postes de décision (voir à ce propos mon article sur « le Plan, le Retour? »)?

Au questionnement nécessairement déstabilisant (je me souviendrai longtemps de la négation par des gens de gauche de l’émergence dans les années 80 des « travailleurs pauvres », alors même que F.Mitterrand était à la Présidence de la République), ces responsables « politiques » préfèrent l’invention, sans cesse renouvelée, « d’outils », de « procédures », de « financements adaptés ».. IL faut agir, disent ils, être efficaces, et que cela se voit. Ils inventent des tableaux de bord, des instruments de mesure, comme le tout récent baromètre de l’action publique (sic)..à se demander si leurs cerveaux ne sont pas devenu des tableaux excel!

Quelle énergie gaspillée alors même que nous avons effectivement besoin de connaissances, non de chiffres globaux, non de moyennes, mais de connaissances fines et territorialisées des réalités sociales, connaissances qui nous permettront de poser les bonnes questions pour ensuite agir et agir juste.

Nombre de ces connaissances existent et sont disponibles, soit auprès d’organismes publics tels que l’INSEE, la DARES (service d’études du ministère du travail), d’institutions indépendantes telles que l’Observatoire des inégalités, la Fondation Abbé Pierre, d’associations locales de développement…Encore faut-il avoir la modestie de reconnaitre que l’on ne sait pas tout, que beaucoup d’affirmations, voire de certitudes parfois affichées pour justifier telle ou telle politique, telle ou telle mesure, sont souvent incomplètes, partielles, voire obsolètes et ce qui est plus grave parfois erronées (ainsi de l’affirmation selon laquelle les minima sociaux seraient des obstacles à la recherche d’emplois, affirmation démentie par les études réalisées sur ce sujet).

Oui interroger le réel, sans cesse, comprendre tout à la fois sa robustesse (les faits sont têtus dit le proverbe) et ses failles, sa complexité, ses pesanteurs et  ses ressources, se débarrasser des réponses préétablies, des recettes, en d’autres termes des approches idéologiques (au sens réducteur du terme), prendre le temps du questionnement pour construire le savoir indispensable à l’action, et ce dans le cadre d’échanges auxquels vous êtes invités, avec ce blog, à participer.

Retour sur l’impératif du questionnement

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