Ce n’est pas d’aujourd’hui que le langage politique a tendance à la simplification, voire au simplisme, ce qui par ailleurs en dit long sur le peu de respect que les responsables politiques ont pour les citoyens et leur capacité à comprendre le réel. Mais depuis quelque temps, nombre de responsables politiques prennent le langage des publicistes et autres commerciaux.
Ainsi en aout 2020, le ministère du travail lance le plan « Un jeune, une solution ». Si ce plan traduit une prise de conscience des grandes difficultés que vivent de nombreux jeunes-voir mon article précédent- son affichage, à l’instar de la plupart des publicités, est réducteur et trompeur. Réducteur car il semble considérer que les problèmes à résoudre sont connus, identifiés, et trompeur, car il affirme que chaque jeune en difficulté trouvera une « solution » à ses problèmes à travers la gamme de l’offre: accompagnement, formation, aides à l’embauche..Si cela, souhaitons le, s’avérera exact pour certains, nous savons également, expérience aidante, que de nombreux jeunes passeront à travers les mailles du filet et ce pour différentes raisons: insuffisance notoire des moyens mis en œuvre (cf. par exemple la faiblesse des moyens dont disposent les missions locales), insuffisance des offres d’emplois, en particulier pour les jeunes les moins qualifiés et/ou qui ont quitté le système scolaire prématurément, jeunes en dehors des « réseaux » leur permettant de connaitre leurs droits, etc.
Autre remarque: l’individualisation totale sur laquelle repose un tel plan: où nous retrouvons l’idéologie selon laquelle « Le jeune » – devenu en l’occurrence une figure abstraite – a les capacités de s’en sortir dès lors qu’il saura utiliser les « outils » mis à sa disposition. Il y a ici plus qu’un simple avatar de l’individualisation (individuation écrivent les sociologues) qui est désormais le sceau des politiques publiques, et dont nous savons qu’elle profite d’abord aux « mieux lotis », mieux armés culturellement et intellectuellement. Il y a une vision de la société qui de fait ne tient nul compte de la réalité des groupes sociaux dont font partie les jeunes, de leur ancrage – et parfois enfermement – territorial, de leur histoire, de leur propre vision de l’avenir.
Or c’est bien de cela dont il s’agit: permettre aux jeunes de construire leur avenir, non pas leur dire « voilà la solution »(!), mais développer les politiques publiques qui leur permettront de se socialiser (petite enfance), de se former, de se doter des capacités d’analyse, de jugement, de se cultiver (cf. mon article précédent: www.droitdequestion.fr/2021/03/12/jeunes-debrouillez-vous/).
Il nous faut sortir de cette vison descendante, incarnation « politique libérale » de la charité, telle que l’exprime le slogan « un jeune, une solution », au profit d’une politique de soutien, d’accompagnement, construite en rapport aux besoins réels des jeunes d’aujourd’hui, et largement construite avec les institutions et acteurs locaux. Mais cela peut-il être le fait de l’État et de notre administration actuels? On peut en douter et la question mérite d’être posée.
Dans un prochain article, j’interrogerai un autre slogan: celui des « amis écologistes » qui reprennent, en prévision des futures élections régionales le slogan qu’ils avaient martelé lors des élections municipales: « C’est le dernier mandat pour le climat »! Seraient -ils, eux aussi, contaminés par le simplisme du discours politique ambiant? A suivre, chers amis…