Après la Hongrie, après la Suède, l’Italie se donne à son tour aux forces de droite extrême. Oui, se donne! Ce n’est pas par un coup d’état mais par les urnes que les forces dites post-fascistes, conduites par une ex-admiratrice de Mussolini, et qui a pour devise « Dieu, la famille, la patrie » (un petit air pétainiste, vous ne trouvez pas?) ont fait main basse sur la démocratie Italienne.
Ce résultat est une Gifle, une énorme Gifle qui va marquer durablement le visage de l’Italie mais aussi et tout autant ceux de l’Europe et de notre propre pays.
l’Italie tout d’abord dont le visage arborera la flamme tricolore des origines du MSI, et dont les citoyens vont peu à peu découvrir les politiques ségrégationnistes, les limites aux libertés individuelles, le racisme « inclusif » (les exilés devenant interdits de séjour) et probablement une énorme crise économique et sociale aggravée par l’isolement dans lequel, de fait, l’État Italien va entrer.
L’Europe ensuite dont l’Italie a été un des six membres fondateurs, en signant le 18 avril 1951 le « Traité de Paris » instituant la Communauté Européenne du charbon et de l’acier (CECA).
L’Europe pour qui le vote des citoyens italiens constitue une énorme gifle, un affront. Un boomerang ne manqueront pas de faire remarquer ceux qui, depuis des années, pointent les dégâts provoqués au sein des pays membres par la politique de concurrence tous azimuts prônée et dictée par l’Union Européenne, et par les pressions européennes sur les politiques budgétaires des États (à cet égard, noter que l’obstination de E.Macron à imposer sa réforme des retraites a notamment pour cause sa volonté de « plaire » à la Commission de Bruxelles en arguant que cette réforme participera à une réduction des déficits publics, ce qui soit dit en passant donne des arguments au discours de Marine le Pen relatif à notre « abandon de souveraineté! »).
Les autres pays d’Europe dont en particulier l’Espagne où le mouvement Vox, d’extrême droite, ne fait que prospérer et notre pays, la France, dont beaucoup d’éléments semblent indiquer qu’elle est prête comme la Suède, comme l’Italie, à se donner à l’extrême droite lors de la prochaine élection présidentielle.
Mais non, diront nombre de « bien-pensants », Marine Le Pen et l’extrême droite ne gagneront jamais l’élection présidentielle.
C’est un peu vite oublier la lente mais régulière progression de l’extrême droite depuis plus de 20 ans, c’est oublier la lente mais continue augmentation de l’abstention (phénomène en relation avec le précédent), c’est oublier les dégâts des discours de responsables politiques de droite, mais parfois aussi hélas de gauche selon lesquels l’immigration est un problème majeur, c’est fermer les yeux sur l’état réel de notre pays, sur l’abandon de couches sociales et de territoires, sur les effets désastreux de la détérioration des services publics, et non des moindres, à savoir les services publics de Santé, d’Éducation, de Justice, c’est oublier les effets considérables de 40 années de « chômage de masse » qui ont stigmatisé des familles, des territoires, c’est oublier les dégâts d’une politique de l’offre.
C’est oublier les effets de l’abandon de toute réelle politique d’aménagement du territoire et de développement territorial, c’est méconnaitre les effets d’un « management » (quel mot horrible) des agents publics tout orienté sur « le chiffre » et qui a à voir avec la forte progression du vote des fonctionnaires pour le RN telle que l’analyse Luc Rouban, chercheur au CEVIPOF (cf article du journal « Le Monde » en date du 2 septembre 2022).
C’est peut-être surtout oublier que nombre de citoyens sont concrètement, dans leur vie quotidienne, la leur, celle de leurs parents, de leurs enfants, les oubliés de politiques publiques susceptibles en théorie de répondre à leurs attentes.
Rares aujourd’hui, de mon point de vue, sont les Responsables Politiques qui connaissent la vraie vie de leurs concitoyens et cherchent à créer des relations efficientes entre les politiques globales qu’ils inventent et la vie réelle des personnes. En son temps Martine AUBRY avait proposé de développer une politique du « Care », c’est- à dire du « Prendre soin ». Peu l’ont prise au sérieux, alors même que cette question est aujourd’hui devenue majeure.
Enfin le résultat des élections en Italie est une énorme Gifle à notre démocratie. Nous la savons malade, fatiguée, mais nous l’espérions encore capable de nous protéger du pire. Cela est révolu.
Il nous faut la réinventer et il y a urgence. Comment faire? Par quel bout prendre le problème? Les tentatives développées ces dernières années de démocratie participative ou citoyenne ont vite montré leurs limites, leurs insuffisances (d’autant plus qu’elles étaient captées par des « militants » issus des couches moyennes et supérieures). Oui il nous faut réinventer notre démocratie représentative (ce qui pose à la fois la question de la représentation, des institutions et des rapports de ces institutions aux citoyens). Et pour cela écouter les chercheurs, nombreux,, qui travaillent sur ces questions, et dans le même mouvement nous confronter aux situations concrètes et aux questions qu’elles posent: quelle représentation des ouvriers et des employés, des habitants des cités, des habitants de territoires isolés, comment briser la sur représentation des classes moyennes et supérieures parmi nos élus, quels nouveaux rapports concrets créer entre couches populaires et classes moyennes?
Il nous faut renouer avec le réel, avec le pays tel qu’il est (voir en particulier les récents travaux de J.Fourquet et notamment son ouvrage « la France sous nos yeux », Le Seuil, 2021).
C’est peut-être ainsi que nous pourrons commencer à re-construire notre démocratie.
La gifle donnée par les électeurs italiens nous y invite..avant qu’il ne soit trop tard!
Bravo