L’idée de créer un blog me trottait dans la tête depuis longtemps.
Mais n’était-ce pas prétentieux ? Qu’aurai-je donc à dire, à exprimer par ce biais qui n‘aurait pu être diffusé autrement ? D’autres modes et lieux d’expression n’existent-ils pas, susceptibles de satisfaire mon désir de faire connaître, et soumettre au débat des questions, analyses, propositions qui ont à voir avec les préoccupations que nous sommes si nombreux à partager et dont le partage devrait nourrir un débat collectif ?
Les journaux et revues ne sont pas des médias adaptés à l’expression individuelle, sauf à apposer une signature connue. Les « réseaux sociaux » ne permettent en rien l’expression d’une pensée, d’une argumentation, sauf à les réduire à des propos caricaturaux, voire simplistes, qui donnent ensuite lieu à des échanges plus proches de combats de boxes qu’à une réelle réflexion.
Quant aux lieux d’échanges et de débat, où devraient être abordées les questions de notre vie collective, de son avenir, que sont-ils devenus ? En dehors de « cercles » où règne l’entre soi, ces lieux ont soit quasiment disparu, ainsi en est-il des clubs de réflexion, soit abandonné toute prétention à animer le débat public. C’est le cas des partis politiques, où le renouvellement de la « pensée » n’est visiblement plus à l’ordre du jour.
Restent les livres et les blogs. Écrire un livre ne m’effraie pas. J’ai eu l’occasion de le faire sur des sujets particuliers, et si longue vie est donnée à ce blog un livre pourrait en sortir, donnant du sens à un ensemble de billets apparemment disparates, à l’instar de la création d’un opusincertum dont la forme définitive émerge peu à peu de l’agencement de pierres dépareillées.
Mais je ressens une forme d’urgence à exprimer un certain nombre de questions qui me préoccupent et à ouvrir avec vous le débat. Relatives à des sujets de nature différente, ces questions sont en rapport étroit avec mon parcours.
J’ai eu la chance, immense, de vivre un parcours riche, varié.
Chargé d’études au sein d’une administration régionale, j’ai découvert le fonctionnement de nos administrations, leur grande probité, l’engagement des agents, mais aussi les lourdeurs, les normes et hiérarchies abêtissantes et sclérosantes.
Syndicaliste et responsable national d’un syndicat à 25 ans, j’ai découvert la force, le sens et le plaisir de l’action collective mais aussi la nécessité que le syndicalisme soit tout à la fois force de progrès pour les agents et force de transformation des services et entreprises pour un meilleur service des clients et usagers.
Secrétaire général adjoint du Centre de rencontres et d’initiatives pour le développement économique local et parallèlement chargé de mission à la DATAR, j’ai pu conduire des travaux et des politiques qui mettaient en rapport territoires locaux, administrations régionales et centrales et mieux comprendre les stratégies des uns et des autres dans un pays où l’émancipation locale et territoriale est un long combat!
Conseiller technique au sein d’un cabinet ministériel, j’ai appris à mieux connaître les rouages de l’État, la fabrication des décisions, mais aussi le poids des « grands corps », leur mainmise sur l’appareil d’État.
Chargé de mission au Commissariat général du Plan j’ai découvert un service d’une exceptionnelle qualité dont les jours hélas étaient comptés, de par son inadéquation avec l’idéologie court-termiste qui était en train de gangréner les services de l’État et les formations politiques. Travaux sur « la gestion de l’empois public », sur la modernisation de l’État, conduite d’évaluations: mes 4 années au CGP furent productives et passionnantes!
Praticien de développement territorial, j’ai découvert l’importance des lieux, de leur histoire, des cultures,…mais aussi le mépris pour les habitants de nombre d’aménageurs, développeurs et autres inventeurs du « marketing territorial », ainsi que les forces de la pensée jacobine qui fait obstacle encore aujourd’hui à toute autonomie locale ou régionale.
Adhérent à un parti politique qui m’a d’ailleurs exclu en 2014 pour m’être opposé à un baron local, hormis la rencontre de militants et responsables qui faisaient honneur à leur engagement, je garde de mon « passage » au sein de ce parti beaucoup d’amertume. Conquérir des positions de pouvoir et les conserver telle était la préoccupation majeure, au détriment de l’analyse réelle des évolutions de notre société, de peur peut-être que cette analyse ne fasse ressortir l’inadéquation des politiques proposées ou mises en œuvre pour agir avec efficacité.
Ce parcours m’a appris à relier des questions trop souvent séparées, à croiser les regards, les questionnements, à sortir des cloisonnements aussi confortables que stériles. Des questions ont été récurrentes tout au long de ce parcours : celles de la connaissance concrète de notre société, de ses évolutions, celles du travail, en plein bouleversement, de l’évolution de notre démocratie, bien mal en point aujourd’hui, de la politique et des pratiques en politique, de nos institutions, mais aussi celles de l’Europe, de la construction de la ville, et non de mégalopoles, celles de notre mode de développement, à maints égards mortifère et celles, majeures, de la justice et des droits !
Il y a quelques années le journal « Le Monde » relatait ceci : un professeur de lycée ayant demandé à ses élèves ce qui caractérisait un « soixante-huitard », un élève lui répondit : « C’est quelqu’un qui pose toujours des questions ».
En cela je suis resté soixante-huitard, et je ne le regrette pas !